Faciliter la transformation des bureaux et autres bâtiments en logements
N° 2025-12 / À jour au 17 juin 2025
Loi n°2025-541 du 16.5.25
La proposition de loi visant à faciliter la transformation des bureaux et autres bâtiments en logements a été déposée le 15 décembre 2023. La proposition, pour laquelle la procédure accélérée a été engagée, a été adoptée dans des termes différents en première lecture le 7 mars 2024 par l’Assemblée nationale et le 22 mai 2024 par le Sénat, jusqu’à ce que le processus législatif soit suspendu en raison de la dissolution de la chambre basse prononcée le 9 juin 2024. Les travaux parlementaires ont repris avec la réunion d’une Commission mixte paritaire le 20 mai 2025. Le texte issu de cette Commission a été adopté par l’Assemblée nationale le 3 juin 2025 et par le Sénat le 5 juin 2025.
La loi du 16 juin 2025, publiée au Journal officiel le 17 juin 2025, vise à faciliter la transformation des bureaux et autres bâtiments en logements, à travers diverses mesures :
- la possibilité de mettre en place une servitude de résidence principale applicable aux logements issus de la transformation en habitation ;
- l’instauration d’une dérogation au PLU afin d’autoriser le changement de destination d’un bâtiment ayant une destination autre que d’habitation en habitation principale ;
- la généralisation du permis de construire à destinations multiples ;
- l’introduction de mesures destinées à favoriser le développement des logements étudiants ;
- la redéfinition des missions de l’ANCT afin d’accompagner les collectivités locales dans ces projets de transformation ;
- l’assouplissement des règles de vote en Assemblée générale de copropriété en matière de changement de destination des parties privatives.
Ces mesures entrent en vigueur le 18 juin 2025 (lendemain de la publication de la loi au Journal officiel), sous réserve de la parution des textes réglementaires nécessaires à leur application (cf. § Permis de construire à destinations multiples).
Urbanisme
Servitude de résidence principale
(loi du 16.6.25 : art. 1er / CU : L.151-14-1)
Pour mémoire, la loi du 19 novembre 2024 visant à renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme à l’échelle locale, dite “Le Meur”, a laissé aux collectivités locales la possibilité de délimiter dans le règlement de leur Plan local d’urbanisme (PLU) des secteurs dans lesquels les logements sont à usage exclusif de résidence principale (cf. Analyse juridique n°2024-25). Cette possibilité est limitée aux projets de constructions nouvelles et est soumise à certaines conditions (la commune doit se situer en zone tendue ou, si ce n’est pas le cas, les résidences secondaires doivent représenter plus de 20 % du nombre total d’immeubles à usage d’habitation).
La présente loi poursuit ce mouvement de protection de la résidence principale en étendant le champ de la servitude. Désormais, le règlement du PLU peut également délimiter des secteurs dans lesquels les logements issus de la transformation de bâtiments à destination autre que d’habitation sont à usage exclusif de résidence principale.
Dérogation au Plan local d’urbanisme (PLU)
(loi du 16.6.25 : art. 1er / CU : L.152-6-5 et L.152-6-6 [nouveaux])
La loi complète les hypothèses permettant de déroger au Plan local d’urbanisme (PLU), en les étendant aux règles relatives aux destinations inscrites dans le PLU ou le document en tenant lieu.
Modalités
(CU : L.152-6-5 et L.152-6-6)
L’autorité compétente pour délivrer l’autorisation d’urbanisme peut, à l’occasion de sa délivrance, autoriser le changement de destination d’un bâtiment ayant une destination autre que d’habitation en bâtiment à destination principale d’habitation, en dérogeant aux règles relatives aux destinations fixées par le PLU ou le document en tenant lieu.
Cette autorisation tient compte de la nature et de la zone d’implantation du projet.
La dérogation s’applique également aux travaux ou aux constructions d’extension ou de surélévation faisant l’objet de l’autorisation d’urbanisme.
Lorsqu’elle souhaite accorder cette dérogation, l’autorité compétente pour délivrer l’autorisation d’urbanisme recueille l’avis conforme de l’autorité compétente en matière de PLU ou de document en tenant lieu. Un avis défavorable ne peut être rendu qu’au regard des critères suivants : risques de nuisances pour les futurs occupants, de l'insuffisante accessibilité du bâtiment par des transports alternatifs à l'usage individuel de l'automobile et des conséquences du projet sur la démographie scolaire au regard des écoles existantes ou en construction ou sur les objectifs de mixité sociale et fonctionnelle.
Lorsque l’autorité compétente pour délivrer l’autorisation d’urbanisme n’est pas le maire, elle recueille l’avis du maire de la commune où est implanté le bâtiment concerné.
Dans l’hypothèse de cette dérogation aux règles relatives aux destinations, l’autorité compétente pour délivrer l’autorisation d’urbanisme peut déroger aux règles des PLU relatives à la proportion de logements d’une taille minimale (CU : L.152-6-6 [nouveau]).
Dans les zones agricoles, naturelles ou forestières du PLU, en dehors des Secteurs de taille et de capacité d’accueil limitées (STECAL, cf. CU : L. 151-13), les changements de destination autorisés sont soumis :
- en zone agricole, à l’avis conforme de la commission départementale de la préservation des espaces agricoles, naturels et forestiers ;
- en zone naturelle, à l’avis conforme de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites.
Pour le changement de destination des bâtiments à destination d’exploitation agricole et forestière, la dérogation ne peut être autorisée que lorsqu’il est démontré que ces bâtiments ont cessé d’être utilisés pour l’exercice d’une activité agricole ou forestière depuis plus de 20 ans.
Refus de la dérogation
(CU : L.152-6-5, al. 2)
La dérogation peut être refusée au regard des risques de nuisances pour les futurs occupants, de l’insuffisante accessibilité du bâtiment par des transports alternatifs à l’usage individuel de l’automobile et des conséquences du projet sur la démographie scolaire au regard des écoles existantes ou en construction ou sur les objectifs de mixité sociale et fonctionnelle. Le refus doit être motivé.
Révision du Plan local d’urbanisme (PLU)
(loi du 16.6.25 : art. 1er / CU : L.153-31)
La révision du PLU destinée à permettre la délimitation de la servitude de résidence principale, ainsi qu’à modifier les règles applicables aux zones naturelles, agricoles ou forestières, relève de la procédure de la modification simplifiée.
Extension des Projets urbains partenariaux (PUP)
(loi du 16.6.25 : art. 4 / CU : L.332-11-3)
Le Projet urbain partenarial (PUP) est un mode de financement contractualisé permettant le financement total ou partiel des équipements publics nécessaires au fonctionnement des opérations de travaux ou d’aménagements. Il permet aux collectivités, dans le cadre de certaines opérations d’urbanisme, d’assurer le préfinancement d’équipements publics par des personnes privées à travers la conclusion d’une convention.
Jusqu’alors mobilisable seulement en présence d’une ou plusieurs opérations d'aménagement ou de construction, avec la présente loi, la convention de PUP peut également être conclue en présence d’opérations de transformation de bâtiments de destination autre que l’habitation en bâtiments à destination principale d’habitation.
Dans ces deux hypothèses, la réalisation d'équipements autres que les équipements propres (comme ceux relatifs à la voirie, l’alimentation en eau et en gaz, …) est nécessaire.
Afin de tenir compte de l’hypothèse de la transformation des locaux, plusieurs ajustements rédactionnels sont opérés :
- la référence aux “terrains” est désormais supprimée ;
- la référence aux “propriétaires fonciers” est remplacée par celle plus générale de “propriétaires” ;
- la notion de “maîtres d’ouvrage” vient compléter celle de “constructeurs” ;
- la référence aux opérations de construction est soit remplacée par une référence plus générale aux opérations ou aux “opérations de construction et de transformation” ;
- l’hypothèse du dépôt de la déclaration préalable (qui peut être suffisante pour un changement de destination) est introduite ;
- la demande doit être assortie d'un dossier comportant la délimitation du périmètre du projet (et non plus du projet d'aménagement ou de construction) ;
- outre les seules constructions à édifier, sont désormais visés aussi “des aménagements résultant des opérations conduites”.
Permis de construire à destinations multiples
(loi du 16.6.25 : art. 5 / CU : L.431-5 [nouveau])
La présente loi vise à généraliser un dispositif mis en place dans le cadre de l’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 : il s’agit du permis de construire à destinations multiples (ou à double état), mis en place pour la construction du village olympique (cf. loi n°2018-202 du 26.3.18 : art. 10 et 15 et décret n°2018-512 du 26.6.18). Il s’agissait pour l’administration de pouvoir autoriser dans un seul permis un état provisoire, nécessaire à la réalisation et au bon déroulement des Jeux et un état définitif de la construction (la demande devait alors contenir les deux destinations, les deux plans et la description des travaux permettant la transformation de l’état provisoire vers l’état définitif).
Son nouveau régime juridique (décret à paraître) est le suivant. L’administration peut, le cas échéant, sur avis conforme du conseil municipal des communes concernées, délimiter des secteurs dans lesquels le permis de construire peut autoriser plusieurs destinations successives du bâtiment. Les secteurs ainsi délimités sont annexés au PLU ou au document en tenant lieu.
Pour le reste, le permis de construire est délivré dans les conditions de droit commun. Les règles de prorogation et les règles de caducité de droit commun s’appliquent aux travaux autorisés par le permis de construire au titre de l’état initial de la construction.
Lorsqu’un permis de construire porte sur plusieurs destinations possibles :
- le permis comporte la mention expresse des différentes destinations autorisées ;
- à la demande de l’autorité compétente en matière d’autorisations d’urbanisme, le permis mentionne la première destination de la construction ;
- les modifications ultérieures des règles du PLU relatives aux destinations sont sans incidence sur la validité du permis délivré pendant 20 ans à compter de la délivrance du permis.
Si les pièces fournies à l’appui de la demande de permis de construire permettent de vérifier la conformité des états futurs du projet, propres à ses destinations postérieures à l’ensemble des règles d’urbanisme applicables au moment de sa délivrance, le permis autorise ces états futurs par anticipation, sans qu’il puisse être exigé ultérieurement de nouvelle autorisation d’urbanisme. La durée de validité de cette autorisation par anticipation est limitée à 20 ans à compter de la date de délivrance du permis.
Le propriétaire doit informer le maire de la commune et, le cas échéant, l’autorité compétente en matière d’autorisations d’urbanisme de chaque changement de destination ou d’état. L’information est transmise, selon les cas :
- soit lors du dépôt de l’autorisation d’urbanisme nécessaire à la réalisation des travaux liés au changement de destination ;
- soit lorsqu’aucune autorisation d’urbanisme n’est requise, au moins trois mois avant le changement effectif de destination.
Les conditions d’application de cette mesure seront définies par décret (à paraître).
Majoration du volume constructible prévu par le PLU pour la réalisation de résidences universitaires
(loi du 16.6.25 : art. 7 / CU : L.151-28)
Pour mémoire, le règlement du PLU ou du document d'urbanisme en tenant lieu peut prévoir des secteurs à l'intérieur desquels la réalisation de programmes de logements bénéficie d'une majoration du volume constructible tel qu'il résulte des règles relatives au gabarit, à la hauteur et à l'emprise au sol. Cette majoration, fixée pour chaque secteur, ne peut excéder 50 %.
Le bénéfice de cette majoration, auparavant limitée à la réalisation de programmes comportant des logements locatifs sociaux, est désormais étendu à la réalisation de résidences universitaires.
Lors de la navette parlementaire, il avait été envisagé de réserver le bénéfice de cette majoration à la seule construction de résidences universitaires gérées par le réseau des œuvres universitaires et scolaires (CROUS). Cette restriction n’a pas été retenue : sont visées les résidences universitaires, qu’elles soient ou non gérées par les CROUS.
Copropriété
Modification de la destination des parties privatives
(loi du 16.6.25 : art. 8 / loi du 10.7.65 : art. 9 et 50)
Pour mémoire, tout copropriétaire use et jouit librement de ses parties privatives à condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l'immeuble.
Ainsi, par exemple, lorsque le règlement de copropriété exclut l’usage d’habitation (dans les immeubles à usage exclusif professionnel ou de bureaux), la transformation d’un lot en logement implique une modification du règlement de copropriété s’agissant de la destination des parties privatives et nécessite l’accord unanime des copropriétaires.
Afin d’éviter notamment qu’un seul copropriétaire puisse “bloquer la transformation en logement d'un bureau inutilisé” (rapport de la CMP du 20.5.25), la loi introduit une exception permettant, sous conditions, de contrevenir à la destination de l’immeuble. Ainsi, lorsqu’est envisagée la modification de la destination de parties privatives à usage autre que d’habitation en locaux d’habitation, cette modification est désormais possible, à condition d’avoir été autorisée par l’Assemblée générale de la copropriété. Cette autorisation doit être votée à la majorité de l’article 24, à savoir la majorité des voix exprimées des copropriétaires présents, représentés ou ayant voté par correspondance.
Enfin, la transformation ne peut pas concerner des locaux qui initialement sont commerciaux. Cette limite est motivée par le souhait du législateur d’“éviter que des locaux commerciaux en rez-de-chaussée dans les centres-bourgs soient transformés en logements, afin de préserver le lien social qu'apportent ces petits commerces” (rapport de la CMP du 20.5.25).
Cette mesure conduit à un ajustement rédactionnel de l’article 50 relatif à l’application de la loi du 10 juillet 1965 à Mayotte.
Modification de la répartition des charges rendue nécessaire par un changement de destination
(loi du 16.6.25 : art. 9 / loi du 10.7.65 : art. 24 et 25)
En principe, la modification de la répartition des charges entraînées par les services collectifs et les éléments d'équipement commun est soumise à la majorité de l’article 25 (majorité des voix de tous les copropriétaires). Afin de faciliter la transformation de l’usage des locaux, la modification de la répartition des charges rendue nécessaire par un changement de la destination d’une ou de plusieurs parties privatives est abaissée à la majorité de l’article 24.
Le changement de destination visé est le changement d’une destination autre que d'habitation, à l'exception des locaux commerciaux, vers l’habitation.
Les autres cas de modification de répartition des charges demeurent soumis à la majorité de l’article 25.
Fiscalité
Obligations de transmission du fisc aux collectivités locales
(loi du 16.6.25 : art. 3 / LPF : L.135-B)
Pour mémoire, l’administration fiscale transmet gratuitement aux collectivités territoriales et aux Établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) dotés d'une fiscalité propre la liste des locaux commerciaux et professionnels vacants qui n'ont pas fait l'objet d'une imposition à la cotisation foncière des entreprises l'année précédente.
Désormais, à leur demande, la transmission de cette liste s’opère aux services de l’État compétents en matière d’aménagement et d’environnement.
Champ d’intervention de l’ANCT
(loi du 16.6.25 : art. 2 / CGCT : L.1231-2)
Le champ d’intervention de l’Agence nationale de cohérence des territoires (ANCT) est étendu à la transformation des bâtiments à destination autre que d’habitation en habitations.
Pour mémoire, l’ANCT a pour mission de conseiller et de soutenir les collectivités territoriales et leurs groupements dans la conception, la définition et la mise en œuvre de leurs projets dans différents domaines, notamment le logement, les mobilités, l’accès aux soins, etc.
Marchés de conception-réalisation
(loi du 16.6.25 : art. 6 / Code de la commande publique : L.2171-2)
Pour mémoire, le marché de conception-réalisation est un marché de travaux permettant à l'acheteur de confier à un opérateur économique une mission portant à la fois sur l'établissement des études et l'exécution des travaux.
Le droit de recourir aux marchés de conception-réalisation, qui avait fait l’objet d’une expérimentation précédemment, est ouvert de manière pérenne aux centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (CROUS).
Comme pour les bailleurs sociaux, ce recours s’opère sans condition, contrairement aux autres acheteurs pour lesquels il est exigé une amélioration de l'efficacité énergétique.