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Fichier positif : tarification du risque et approfondissement de l’offre de crédit

ANIL, extrait d'Habitat Actualité, juillet 2009


La commission spéciale du Sénat a décidé du principe de la création d’un fichier positif des crédits aux particuliers. Régulièrement, notamment à l'occasion des débats européens sur la réglementation du crédit ou sur le surendettement, cette question revient à l’ordre du jour. Majoritairement, les français, qu'ils soient banquiers ou représentants des associations de consommateurs, se montraient jusqu'alors majoritairement hostiles à la création de tels outils, le plus souvent par souci de protection de la vie privée. Curieusement, cette question réapparait en pleine crise financière, alors que les pays où les emprunteurs sont dans les plus grandes difficultés, sont tous des pays dotés de fichiers positifs.

Ne prenons que l’exemple du crédit immobilier aux Etats-Unis. Pour accorder un prêt, un établissement exige deux informations qui lui sont fournies par des organismes extérieurs : une expertise de la valeur du logement et une note de crédit, notamment fondée sur les dettes de toute nature souscrites par le candidat à l’emprunt et les éventuels incidents de remboursement. Plusieurs sociétés privées gèrent des fichiers qui recensent tous les crédits souscrits par chaque personne privée et gardent trace de ses habitudes de paiement, des retards passés et des défaillances éventuelles. Tout adulte en situation d'emprunter est nécessairement fiché, puisqu'il possède au moins une carte de crédit. Le fichier comporte également d'importantes informations sur le logement et le travail actuel. Les règles de fonctionnement et d'accessibilité de ces fichiers sont fixées par le "Fair Credit Reporting Act". Une mauvaise note de crédit oriente le demandeur vers les "subprime lenders" qui tarifieront le crédit en conséquence.

Les informations contenues dans le "credit report"

  • Critères généraux d'identification de la personne, de sa situation de famille et de sa situation professionnelle.
  • "Credit history" : liste des comptes et des engagements et des difficultés passées. Les informations négatives peuvent rester 7 ans et 10 ans pour les faillites personnelles.
  • Liste des créanciers ayant fait appel à une agence de recouvrement.
  • Eléments juridiques : divorce, pensions alimentaires, faillite.
  • Demandes d'information : liste de tous ceux qui ont consulté le fichier dans les deux dernières années.

Au regard de cette pratique, la banque française semble bien imprudente puisqu’elle tient le prix de la transaction comme représentatif de la valeur du logement et qu’elle se fonde sur les justificatifs de revenu et les données éventuellement recueillies à la faveur de la gestion des comptes pour juger de la fiabilité de l’emprunteur. La réalité est que les fichiers positifs sont des instruments qui permettent de tarifer le risque et partant d’approfondir le marché du crédit.

Mais il est de meilleure politique de présenter l’affaire comme un instrument de lutte contre le surendettement. L’exemple du fichier belge est mis en avant pour le démontrer. La Fédération bancaire française, hostile à l’instauration d’un fichier positif, note qu’ « un tel fichier est inefficace pour prévenir le mal endettement ou le surendettement, comme le montre l’expérience des pays où un tel système a été mis en place. Aucune exception n’existe : même en Belgique, exemple souvent cité, où les dossiers de surendettement ont augmenté de 70% depuis la création d’une centrale des crédits aux particuliers en 2003. Cela tient au fait que le fichier positif favorise généralement le développement d’offres agressives de crédit ». Sont logiquement hostiles aux fichiers positifs les établissements qui disposent d’un avantage concurrentiel en matière de connaissance de la clientèle, soit qu’ils tiennent les comptes des particuliers, comme les banques universelles, soit qu’ils aient accumulé grâce à l’ancienneté et au volume de leur activité une connaissance des sinistres qui leur permet de bâtir des outils efficaces de scoring.

Sont favorables aux fichiers positifs les nouveaux entrants sur le marché ; ils reçoivent normalement le soutien des professionnels qui vendent les produits financés à l’aide de ces crédits, qui ne peuvent que souhaiter un élargissement du volume de crédit. Ce sont cette fois certains établissements spécialisés dans le crédit à la consommation qui ont repris l’offensive en faveur du fichier positif avec un double argumentaire adapté à la crise actuelle : le développement du crédit est susceptible de soutenir la consommation, ce qui est douteux lorsqu’il s’agit de crédit revolving et le fichier positif permettra de lutter contre le surendettement. Deux assertions qui restent à démontrer.

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